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Feuille de la Montagne
21 février 2019

Marie-Antoinette martyre ou criminelle

On considère de nos jours cinq choses, auxquelles nous allons chercher à répondre ensuite :

Un seul

  1) Marie-Antoinette était certes dépensière, mais légère et n’avait pas vraiment de volonté politique, cherchant juste à s’amuser et ne se rendait pas compte de ce que vivait le peuple.

  2) Elle serait naturellement royaliste du fait de son éducation. Ainsi on ne devrait voir en elle rien de plus qu’une femme formatée par un conservatisme culturel, qui n’aurait pas compris les évolutions de la société et ayant réagi uniquement par une conception strictement issue de la vision traditionnelle d’ailleurs de façon désintéressée et sans mauvaises intentions.

  3) Dans le même temps on apporte souvent un argument contradictoire avec le premier point…. On  devrait retenir chez elle un courage incroyable, contrairement à son époux elle aurait préféré une confrontation plus directe plutôt que de plier devant le peuple.

  4) Son procès serait une farce absolue, totalement monté d’avance ne respectant pas le droit, une farce judiciaire, le tribunal n’aurait eu aucun élément contre elle. Elle aurait mérité un statut de martyre de par un procès indigne et par sa captivité dans des conditions de détention qui seraient épouvantables accompagnées de persécutions psychologiques.

  5) Les Français avaient une haine injustifiée contre Marie-Antoinette parce qu’elle était Autrichienne voir parce que c’était une femme, donc il n’y aurait aucune raison de nos jours de porter des critiques à son égard, ce serait bas et sans intérêt au regard de l’histoire.

 

 1)

A) Bien loin de ce que certains imaginent peut-être, Marie-Antoinette ne fut pas indifférente du tout aux questions politiques. Elle avait des idées bien arrêtées, à l’inverse, et sa correspondance en témoigne. Quoique peu instruite (elle n’apprit à écrire et lire que vers huit ou neuf ans et le faisait encore avec grande difficulté à ses quinze ans, elle ne lut à peu près jamais de livre elle-même) elle avait des positions relativement cohérentes.

 Elle avait de façon systématique une aversion pour ce qui avait un caractère populaire, progressiste ou démocratique et une sympathie pour ce qui relevait de l’absolutisme et du despotisme.

 Elle était favorable à l’esclavage et opposée même à l’idée d’une limitation juridique au pouvoir du maître au delà du Code Noir qu’elle tolérait déjà qu’à peine.

 Elle critiquait la politique de son époux Louis XVI concernant la guerre d’indépendance en Amérique, elle considérait que puisque les rebelles se révoltait contre un roi il fallait s’en méfier. Elle était aussi furieusement contre la révolte des Brabants, (en Hollande) elle voulait même que la France intervienne pour mâter la rébellion.

 En 1789 l’État est au bord de la faillite, pour y remédier il existe plusieurs écoles :

 _a) Les disons «progressistes» incarnés par Louis XVI et son frère le Comte de Provence (futur Louis XVIII) le Duc D’Orléans ou avec plus de volonté encore le ministre des finances Jacques Necker, ils veulent augmenter les impôts, imposer la noblesse et baisser les dépenses publics, c’est pour donner une image, «la gauche» de la cour.

 _b) Ceux que nous appellerons les «libéraux», qu’on pourrait tout aussi bien nommer les ‘‘nobiliaires’’ ils sont incarnés par Conti et Condé principalement, ils sont contre toute hausse d’impôts, pour une réduction de la compétence royale au bénéfice des nobles locaux, des baisses de dépenses publics et surtout totalement opposés à l’imposition des nobles.

 _c) Ceux qu’on pourrait nommer les «conservateurs» principalement représentés par le Duc d’Artois (futur Charles X) suivis par nombre de grandes figures à l’instar du Baron de Besenval.

 _d) Les «autoritaristes» principalement menés par la reine Marie-Antoinette, c’est aussi le «parti» du prince D’Henin, de la duchesse de Polignac et celle de Lamballe, ils sont pour l’imposition de la noblesse et même du clergé, une augmentation des impôts mais contre toute baisse des dépenses publics.

  

Les États Généraux furent comme on le sait convoqués et se posa une question centrale, le doublage du Tiers Etat, c’est à dire d’augmenter la part du Tiers État, du peuple en fait, vis à vis du clergé et de la noblesse.

 Contrairement à ce qui se dit souvent, il ne s’agit pas pour la monarchie d’un geste en faveur d’une ouverture, à plus de place pour le peuple. Non en fait les États Généraux ne devait pas durer longtemps et avaient juste pour objectif de faire passer des lois difficiles pour tout le monde.

 Par conséquent dans notre classement au-dessus (informel évidemment) les «partis» (a) et (d) étaient unis pour le doublement alors que les «partis» (b) et (c) étaient eux contre (les nobles de Bretagne farouchement sur la ligne de ce que nous avons classé (b) ont même refusé de venir à ces Etats généraux à cause de ça).

 La ligne qui avait gagné à la cour était alors celle de la reine puisque la couronne s’apprêtait alors à profiter du doublement du Tiers État pour faire passer l’imposition des classes privilégiées mais ne prévoyait pas de baisse de dépense.

 Pour ce qui est des baisses de dépenses publiques il faut bien insister sur un point. Les dépenses publiques avait une disposition unique.

 En effet la reine était dépensière, mais ce n’était pas uniquement une question d’image ou de principe, elle était si follement dépensière que le budget de la France destinait une part très significative pour ses bals, aménagements, toilettes de luxe, pierreries etc… Ses dépenses personnelles ont déjà atteint jusqu’à 16% des dépenses c’est l’équivalent de nos jours des dépenses de santé ou presque un tiers de plus que les dépenses de l’éducation!

C’est un niveau de dépense qui est tout à fait exceptionnel et qui doit être souligné, il n’y avait pas d’équivalent en Europe, rare étaient les princesses à utiliser plus 1% des dépenses de l’État pour elles au XVII ou XVIII siècle. Marie-Antoinette n’a donc pas volée sa réputation de grande dépensière, c’est bien à juste titre que son nom est de nos jours un néologisme désignant toute femme de despote follement dépensière. Le nom de «Madame Déficit» est bien lui aussi mérité car quand on arrive à un tel taux dans les dépenses, c’est bel et bien déterminant dans la bonne tenue des dépenses publiques.

 Bref, revenons au cœur du sujet, baisser les dépenses, impliquait surtout dans ce contexte de toucher aux dépenses de la reine. Ses dépenses avaient et ce n’est pas démagogie de le dire causé la banqueroute. Il fallait de toute façon trouver de l’argent.

 Le camp de la reine avait une solution, augmenter les impôts, des impôts payés par tous y compris la noblesse et le clergé et pas question de toucher à ses dépenses, elle avait en quelque sorte décidé de sacrifier la noblesse à ses dépenses.

 

B) Quand les délégués du peuple voulurent utiliser la tribune des États-Généraux pour faire évoluer la situation là aussi elle eue des idées bien précises.

Bref retour sur les faits; les délégués du Tiers État, c’est à dire du peuple, comprennent vite qu’on tente de l’utiliser uniquement contre la noblesse et qu’on n'a en rien l’intention de changer les fondements de la société d’Ancien Régime.

Alors que les oppositions augmentaient la cour à vite compris que rien ne se passait comme prévu et chacun des trois ordres demandait plus de latitude vis à vis de la couronne.

Or pour clore les États généraux il fallait trois jours sans débats. Dès le 19 juin 1789 les différents délégués ont été interdit d’entrer. Comprenant ce qui se passait les représentants du Tiers Etat ont fait le fameux «serment du Jeu de Paume» et ont empêché le coup de force qui se préparait à savoir la fermeture des États Généraux. Louis XVI va tenter de les expulser tout de même puis s’y refuser.

Quelle sera la position d’Antoinette? Elle était viscéralement pour la solution forte, celle de fermer au plus vite les Etats généraux, elle s’écria une fois avec colère «Les tiers, sont comme les chiens à la curée, on ne les arrête qu'à coups de fouet en plein museau».

 

C) Ensuite, Louis XVI jouant les cartes qu’il avait en main renvoie Necker connu comme favorable à une modernisation de la monarchie et une limitation à l’Absolutisme. Et comme on le sait Paris rentre dans une effervescence qui causera notamment la prise de Bastille.

Là encore on sait parfaitement sa vision des choses, les Parisiens seraient un peu comme des nuisibles qu’il faut anéantir par tous les moyens. Et les choses sont préparées pour ce faire, des troupes étrangères viennent camper dans les jardins de Versailles et la reine ira avec son époux leurs rendre visite, mais alors que Louis XVI part dormir Marie-Antoinette elle reste plus longtemps et va dévoiler (retirer le voile à) un panier d’or, elle, oui elle, de sa main et nul autre. Elle resta par ailleurs assez longtemps en compagnie du général de Broglie au milieu de ses troupes étrangères.

Ce fait n’est contesté nul part, mais il est pourtant capital et très instructif sur la disposition d’esprit de l’Autrichienne. En effet si les troupes étrangères n’auraient eu pour objectif comme le prétendent certains auteurs royalistes ou autres réactionnaires que de protéger le roi, le couple royal aurait-il été à leur rencontre dans leur propre tente.

Pire le fait qu’il se déplace et non qu’on vienne à lui (au couple royal) est clairement inhabituel, le fait d’aller les voir et de les galvaniser avec de l’or n’est-ce pas l’indication qu’il y a volonté de s’assurer que les troupes suivront des ordres, même s’ils sont durs, en l’occurrence à ne pas en douter, commettre un massacre.

Il y a sur ce point peu de doute sur les intention qui habitent alors Marie-Antoinette, on connaît l’entretien de Marie-Antoinette avec le Baron de Breteuil:

— Vous savez qu'il s'agit de mettre à la raison la canaille de France ?

— Je le sais, répondit le baron.

— Il faudra employer les moyens violents.

— Contre la populace, je n'en connais pas d'autres.

— Il faudra peut-être vider comme des lapins la plupart des rebelles.

— Comptez sur moi.

— Et s'il faut brûler Paris?

— On le brûlera.

— Allons, conclut la reine avec un sourire, vous êtes l'homme que Dieu nous envoie pour consolider la monarchie de France.(2)

Elle déclara aussi face à l’angoisse de certains autour du roi en raison des attroupements à Paris «laissez donc, ils se réunissent? Tant mieux ! Les balles de nos braves Allemands et Suisses frapperont plus sûrement dans le tas, et nous serons plutôt débarrassés de ces malcontents !»

Du très Républicain Pagès au très royaliste abbé de Lauzun, on retrouve dans la bouche d’Antoinette ses mots atroces; ceux de «ramener ce peuple de canailles à la raison par la seule force qu'elle comprît : les baïonnettes», ou encore, toujours sur les baïonnettes « Mirabeau les a demandées, qu'on les lui donne par la pointe».

 

D) Après la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 les troupes étrangères restèrent discrètes mais toujours présentes et stationnées à proximité. Et Paris connut une étrange famine, la plupart des historiens jugent absurde qu’elle soit la conséquence d’une politique royale, et que si les troupes étrangères étaient en Île-de-France ce n’était pas forcément parce qu’il se prévoyait une répression sur la capitale. Mais j’ose le dire, cette vision admise de nos jours est absurde. Et en vertu d’aucune autre motivation que la raison et la vraisemblance, je considère comme les Parisiens d’alors, que la cour avait pour projet d’affamer Paris puis de le soumettre par les armes au besoin une fois épuisés.

Des témoignages comme «L’œil de Bœuf» et autre rapporteurs royalistes, des anecdotes journalières de la cour semblent d’ailleurs suggérer que ce fut bien le projet. Tout particulièrement le projet dans l’esprit de la reine Marie-Antoinette.

"Un gentilhomme en faisait un jour l'observation à Louis XVI devant la reine.

— Nous pouvons nous plaindre des empiétements, des vexations, des tyrannies, des cruautés même de ce peuple révolté, disait le gentilhomme, mais nous sommes obligés de convenir que s'il n'avait pas avisé lui-même à ses affaires, la famine l'aurait étouffé et il serait mort de faim.

— Oh ! mort de faim, interrompit ironiquement Marie-Antoinette.

— Oui, reprit l'interlocuteur, au moins pour la moitié.

— La moitié ! comme vous y allez !

— Je crois même être au-dessous de la vérité.

— Après tout, où aurait été le grand mal, s'il était mort de faim ! conclut la reine avec un sourire cruel, plissant ses belles lèvres roses sensuelles, qui semblaient passer avec une égale facilité des caresses d'amour aux menaces les plus barbares."

 

"Louis XVI s'étant plaint de la situation qui lui était faite, devant quelques intimes, termina par un gros soupir, en disant :

— Quand tout ceci finira-t-il, mon Dieu !
Marie-Antoinette, qui jusque-là, avait affecté de ne pas se mêler à la conversation, intervint et répondit :

— Cela finira quand vous voudrez, sire.

— Quand je voudrai?

— Certes, oui.

— Mais comment?

— Comment? N'avons-nous pas Bouillé à Metz, qui vous tient en réserve trente mille soldats fidèles et dévoués sur lesquels nous pouvons compter. Allons à Metz ; confions-nous à Bouillé, qui saura museler tous ces blasphémateurs de l'Assemblée et nous rendre notre bon droit du bon temps.

— Mais c'est la guerre civile que vous me conseillez là.

— Puisqu'il le faut.

— Vous n'ignorez pas que nous ne sommes pas assez forts, dit le roi.

— Qu'en savez-vous? Essayez..., conclut Marie-Antoinette."

 Ce dernier témoignage est très claire, la solution de la force est celle souhaitée par Marie-Antoinette. Mais au passage le témoignage montre aussi que si Louis XVI est plus hésitant ce n’est pas par humanité, ni par indécision, deux explications de la politique de Louis XVI qui sont le plus souvent avancées, mais par peur de ne pas y gagner.

 Il serait bon de souligner que malgré la situation dramatique de la France en été et début d’automne 1789 Marie-Antoinette ne mit à cette époque aucunement de frein à ses dépenses.

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On connaît l’orgie du premier octobre ou la reine à brandi la cocarde noire (celle de la maison d’Autriche) et où elle à levée son fils acclamé par l’assistance essentiellement composé de militaires étrangers. Il ne me semble pas insensé de considérer qu’elle avait une idée assez précise à ce banquet. Un banquet avec des militaires pour mémoire n’était pas du tout dans les habitudes ni de Versailles ni d’Antoinette et ce banquet où la cocarde tricolore à été piétinée, la nation huée et le roi et la reine acclamés était incontestablement politique.

 Suite aux journées d’octobre 1789 la famille royale est aux Tuileries, à Paris. Les auteurs réactionnaires qui tentent toujours de nous faire pleurer sur les «humiliations» du couple royal par le peuple ne semblent jamais prendre en compte qu’étrangement suite au 6 octobre, quand la famille royale est à Paris, la famine cesse. Petite réflexion non conformiste pour notre temps, mais parenthèse, qui se referme aussitôt.

Dans la période allant du 6 octobre 1789 au 10 août 1792 de nombreuses choses vont se passer. Mais principalement le roi va devenir officiellement un monarque constitutionnel, il aura même le titre de gardien des libertés et va jurer fidélité à la constitution.

 Marie-Antoinette là encore sera loin d’être apolitique et aura un avis très tranché sur la situation et sera l’instigatrice de la fuite de Varennes qui, toute personne sensée le comprendra avait pour but de se réfugier à l’étranger et revenir derrière les troupes étrangères ayant réglé dans le sang la Révolution (certains historiens de nos jours croient vraiment à la justification de Louis XVI et Marie-Antoinette qui disaient vouloir rester en France sur la frontière pour discuter, je laisse le lecteur en juger).

Avant cette fuite Marie-Antoinette écrira à Mercy le 3 février 1791 : «Monsieur le marquis de Bouillé [commandant des garnisons de l’Est et favorable à la contre-révolution] croit comme nous qu’il serait impossible de rien faire sans le secours des puissances étrangères, lequel serait dangereux si nous n’étions hors de Paris».                                                                                                                                                                                                          

N’est'il pas étonnant qu’on manque chez nos historiens modernes de mettre cette lettre en relation avec la fuite, relation pourtant évidente.

 D’ailleurs la reine veut alors tellement l’intervention de la guerre que le 6 mai elle écrit que pour assurer la neutralité anglaise la France pourrait faire des «sacrifices» sur son territoire, c’est à dire donner des régions.

Ce qui est étonnant c’est que suite à la fuite de Varennes le roi sera rétabli sur son trône avec davantage de pouvoir qu’avant. Il faut dire que la thèse officielle celle que soutenaient les réactionnaires du «club des feuillants» et son homme fort d’alors Lafayette était la véracité des déclarations du roi et de la reine quant à leurs intentions. Ces mêmes feuillants qui avaient raconté au peuple que le roi avait été enlevé au matin alors qu’ils savaient que Louis XVI avait laissé une lettre justifiant sa fuite (par la Révolution).

Petite anecdote savoureuse et édifiante, quand le commissaire est venu à l’heure convenue pour prendre la déclaration de Marie-Antoinette sur la fuite de Varennes, Marie-Antoinette n’était pas disponible. En effet ses dames de compagnie ont pris soin d’expliquer que Madame prenait son bain. Vrai ou non le commissaire à dû attendre pas moins de quatre heures avant de pouvoir prendre la déclaration de la reine. Comme quoi elle n’aura jamais manqué une occasion pour marquer son mépris pour la Révolution et tout ce qui en émanait.

En tout cas, le roi et la reine se sont présentés comme des partisans de la constitution et sans doute les gens qui en doutaient étaient traités avec le même mépris que les «pro montagnards» de nos jours.

Mais les lettres d’Antoinette ne laissent aucun doute sur sa duplicité.

Le 20 août 1791 elle écrit à Mercy à propos de la constitution : «Il s’agira à présent de suivre une marche qui éloigne de nous la défiance et qui, en même temps puisse servir à déjouer et culbuter au plus tôt l’ouvrage monstrueux qu’il faut adopter».

Autrement dit il faut paraître favorable à la Révolution mais lutter contre en cachette, n’est ce pas la définition de l’hypocrisie?

Le 26 aout 1791 elle écrit dans une lettre à Mercy: «Il ne s’agit pour nous que de les endormir [les députés de la Constituante] et de leur donner confiance en nous pour mieux les déjouer après. Il est impossible, vu la position d’ici, que le Roi refuse son acceptation [de la Constitution], nous n’avons donc plus de ressources que dans les puissances étrangères».

Le 28 septembre elle écrit à Fersen : «En tout état de cause il fallait avoir l’air de se réunir de bonne foi au peuple en ayant l’air d’adopter franchement les idées nouvelles. C’était le moyen le plus sûr de les déjouer promptement».

Que dire de plus? Non, pas plus que la femme légère qui n’aurait pas conscience de la misère du peuple, Antoinette n’était pas non plus cette femme intraitable et vaillante qui rage de la faiblesse de son époux et rêverait de mener une charge contre les rebelles plutôt que de subir toute atteinte à sa couronne.

Non elle était en fait, comme le montre cette lettre, elle était comme le ressentaient les Français, comme on la pensait dans ce «bas-peuple» d’alors que nos «grands historiens» actuels voient tellement mal. C’est à dire une femme hypocrite qui cachait en elle l’intention de revenir à l’absolutisme par la force (comme le montre la lettre précédente) et cherchait à être vue comme favorable à la Révolution par sécurité.

Dans une lettre écrite à Fersen elle écrit même le 7 décembre 1791: «Quelle bonheur si je puis un jour redevenir assez libre pour prouver à ses gueux que je n’était pas dupe».

Assez libre, c’est à dire avec une monarchie absolue restaurée, pas dupe, c’est à dire qu’elle ne voulait pas les principes de la Révolution. Inutile de préciser que les gueux c’est le peuple, et oui c’est bien cette princesse glamour qu’on voit si souvent avec une rose en main qui parle.

Autre remarque intéressante elle parle bien de prouver qu’elle n’était pas dupe, elle, Marie-Antoinette, elle considère donc bien qu’elle a personnellement à prouver quelque chose au peuple, elle se perçoit donc bien comme une personnalité politique et voit dans la situation institutionnelle une injure personnelle. Elle qui se dira seulement femme du roi et parfois conseillère dans son procès rapporte donc bien le pouvoir aussi à sa personne.

Rappelons que la guerre déclarée le 20 avril 1792 Antoinette et bien elle, pas Louis XVI livrera les plans de guerre aux ennemis de façon régulière et on le sait de manière formelle depuis l’ouverture des archives de Vienne.

En Juin 1792 elle écrira : «Une guerre une fois allumée, le roi se flatte qu’un grand parti se ralliera autour de lui.» C’est à dire qu’elle compte alors sur une contre-révolution armée, une guerre civile contre la Révolution.

Quoi de surprenant alors qu’elle loge des troupes étrangères en son château et visite la veille du massacre, comme elle avait visité les troupes à Versailles trois ans plus tôt.

     Elle restera d’ailleurs éveillée au balcon toute la nuit avant le 10 août et discutera avec nombre d’officiers et de politiques.

 Ici Marie-Antoinette passe du statut de femme politique à prisonnière.

Conclusion:

Par ses propos, lettres et actions Marie-Antoinette à toujours eu une position politique bien définie. Sa position a toujours été l’absolutisme le plus brutal et l’opposition à toute évolution dans le sens de la liberté. Elle considérait que la Révolution devait être vaincue par les armes, sous les ordres de la couronne ou de l’étranger. Elle a soutenu les grands massacres de la Révolution et considérait qu’il fallait jouer à se montrer favorable à la Révolution pour faire baisser la garde du peuple comme le montre très bien sa correspondance.

 

  

2)

 La seconde idée largement répandue qui, quoique contradictoire à la première est souvent avancée en même temps, est comme nous l’avons dit, qu’elle n’aurait en fait été qu’une femme fidèle à son éducation croyant à des principes passés et ne s’étant pas ouverte aux idées modernes presque par réflexe.

 Mais on oublie que l’éducation traditionnelle ne se limitait pas à la monarchie absolue, loin s’en faut. Dans cette éducation traditionnelle par exemple les femmes étaient concentrées sur la famille, c’est ainsi que les réactionnaires de l’époque comme la femme de Louis XV ou ses filles, tantes de Louis XVI concevaient le monde.

 Marie-Thérèse d’Autriche, femme de Louis XIV, ou Marie Leszczynska femme de Louis XV, elles étaient des femmes traditionalistes.

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En outre à cette époque le théâtre était vu comme un lieu de mauvaises mœurs et de légèreté, l’église interdisait aux acteurs ou actrices bien souvent jusqu’au sépultures chrétiennes. Pourtant Antoinette dans son Petit Trianon avait son propre théâtre où on jouait de nombreuses pièces interdites à la cour. Elle va même faire actrice et chanteuse dans son théâtre et notamment jouer Rosine dans le très sulfureux «Mariage de Figaro».

D’ailleurs alors qu’on ne devait pas selon les coutumes applaudir devant la reine, elle va imposer qu’on l’applaudisse quand elle joue.

De façon générale elle a depuis son entrée à la cour bousculé les étiquettes, elle disait même qu’elle ne comprenait pas «qu’après trente ans une femme reste à la cour», et en plus des bals qu’elle donnait, elle allait aussi régulièrement dans des bals à Paris et dansait parfois marquée se mélangeant à la foule.

Et Marie-Antoinette qui ne lisait pour ainsi dire jamais elle même, se faisait lire le soir des livres de sa bibliothèque privée. Les livres qui s'y trouvent sont de nos jours recensés dans un catalogue officiel et tous ses livres portent le blason d’Antoinette. On y trouve au mieux des livres légers, bien souvent des livres érotiques parfois homosexuel comme «Les amours de Catulle» elle raffole notamment de Restif de la Bretonne, qui était on peut dire le précurseur de Sade.

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Dans ses toilettes aussi elle renverse la table, elle va porter un grand nombre de tenues avec des décolletés, dont certaines sont en portrait, il ne faut pas perdre de vue que c’était pour cette époque totalement révolutionnaire si on peut dire.

 Alors que sa mère lui demande de ne pas faire de cheval, elle décide d’en faire malgré tout.

  Nous voyons bien que Marie-Antoinette n’est pas une traditionaliste, elle n’est pas de ses gens qui marchent dans les clous et sont offusqués par ce qui sort de leurs conception étriquée. Non elle est une rebelle, elle bouscule les traditions, elle impose sa volonté et brise les vielles habitudes.

Ajoutons que même en politique elle n’a aucune gêne à violer la tradition, l’embastillement du Cardinal de Rohan par exemple était une violation aux prérogatives traditionnelles de l’église au Royaume de France (de qui relevait la justice pour les grands ecclésiastiques) ou encore elle n’a pas d’attachement aux droits nobiliaires, elle peut parfaitement les voir disparaître pour financer ses dépenses.

Non elle ne défend la tradition politique, seulement quand sa couronne est touchée, quand son statut est diminué. Là elle se mue en effet en une traditionaliste irascible.

Bref ce n’est pas par mécanisme de conservation de son modèle éducatif ou culturel qu’elle était antirévolutionnaire mais par désir du pouvoir.

On peut noter d’ailleurs que dans ses nombreuses lettres elle ne parle jamais de sauvegarde de traditions, d’institutions, de noblesse, de paysannerie ni rien de tel, non elle rapporte toujours la question de la Révolution à sa position personnelle.

                                                                                                                                                                                                                                                      

 Conclusion:

 

Marie-Antoinette adopta toujours une attitude rebelle face à ce qui la contraignait personnellement ou même politiquement dans la tradition. Elle avait un véritable engouement pour ce qui était moderne à son époque, en terme de mode, mais aussi de mode de vie, comme le théâtre, les bals et même les livres grivois voire érotiques. Elle ne fut donc une traditionaliste que dans la mesure où il s’agissait de tradition monarchique qui consolidait son pouvoir. Elle n’était donc pas attachée à la tradition mais à son pouvoir personnel.

 

  

3)

 Quelles sont à présent les qualités qu’on dépeint souvent chez Marie-Antoinette qui outre son martyre lui donnent un prestige historique qu’on ne donne plus hélas pour à vrai dire à aucun héros de la Révolution?

 Alors il y a le goût, qui est il faut bien le dire une vraie qualité, quoi que ce soit subjectif, il est difficile de trouver son mobilier vilain, mais c’est extérieur à la politique et ne serait-ce pas une déchéance morale si c’était uniquement sur cette base qu’on garderait une bonne image d’un personnage au détriment de son caractère ou de sa politique?

 Sur un plan plus personnel donc, on se figure souvent Marie-Antoinette comme déterminée, courageuse et intraitable.

On l’affirme souvent sur la base de ses phrases. Phrases clairement marquées par une grande fermeté, ainsi elle proclama qu’il y avait deux forces en litige et qu’il fallait voir laquelle gagnerait. Autrement dit que les Révolutionnaires s’opposaient par nature à la couronne et qu’il fallait entrer dans une lutte armée ouverte entre les deux camps.

Dans la même veine elle déclare le dix août préférer «être clouée au mur du château» que de fuir et dira comme le rapportent les mémoires de Madame de Campan qu’elle aurait bien été à cheval au devant des hommes mâter les Révolutionnaires si elle n’était pas une femme.

Mais toutes ses phrases doivent être évaluées par rapport aux faits, une princesse ne peut-elle pas être fanfaronne comme peut l’être une autre personne? Est-ce de l’aveuglement du fanatisme jacobin que de supposer cela possible?

Et bien je considère cette possibilité comme réelle donc j’évalue, et je vois que la fuite de Varennes ne cadre pas avec, mais plus encore ses projets de fuites et d’écrasement de la Révolution par les nations étrangères (pendant qu’elle est hors de Paris), ne cadre pas avec cette psychologie rigide et pleine de bravoure qu’elle feignait d’afficher. D’ailleurs dans sa tentative de fuite de septembre 1793 elle fut bloquée par des gens en armes certes, mais il y avait aussi des gens armés autour d’elle venus l’aider à fuir. Si elle était d’un état d’esprit chevaleresque comme l’indiquent nombreuses de ses déclarations et bien n’eut-elle pas préféré que les hommes s’affrontent quitte à y mourir plutôt que de retourner honteusement vers sa prison ?

Ensuite quelle fut son attitude durant son procès? Sa ligne de défense ne fut en aucun cas une attaque contre la Révolution comme elle en a parfois (des attaques) écrites dans ses lettres, non, mais une tentative de se dédouaner des décisions politiques et minimiser à la fois ses connaissances de ses dernières (des décision politique) et sa volonté de détruire la Révolution qu’elle a clairement exprimée dans ses lettres.

 Elle aurait parfaitement pu, si elle avait l’âme téméraire d’un Charles I, faire comme lui et assumer à son procès son opposition à la Révolution et sa croyance au droit divin au nom duquel elle aurait lutté et proclamer de face qu’elle était ennemie de cette Révolution.

Mais ce ne fut pas le cas, elle chercha à sauver sa vie, d’ailleurs en mentant ouvertement sur la trahison, les plans des armés livrés aux ennemis de la France.

Alors il reste bien le fait qu’elle fut globalement sereine lors du trajet de son exécution, mais pas plus que Robespierre ou Saint-Just dont on ne cite jamais le calme à l’heure de l’exécution. Et la Dubarry exceptée, les gens faisait attention de ne pas trop paraître angoisser avant leurs morts. Encore qu’à la différence de Madame Roland par exemple, Marie-Antoinette fut pétrifiée devant la guillotine et ce fut le bourreau qui dut l’allonger.

 

 Conclusion:

 Bien qu’elle ait eu des propos, et affichait une attitude faisant croire qu’elle était prête au sacrifice pour le respect des institutions monarchiques, tant ses lettres que son comportement à des épisodes violents montrent qu’elle a toujours cherché à rester en vie avant tout. Même dans son procès elle nia avoir cherché à nuire à la Révolution ou comploter contre elle.                                                                                                                                                              Sa fierté n’était donc pas plus grande que sa volonté de sauver sa vie.

 

4)

Venons-en à ce martyre qui devrait absoudre toutes fautes. Marie-Antoinette fait presque figure de Jean Moulin ou de Jeanne d’Arc pour certains, elle aurait eu la captivité de Marie Stuart et le procès de Jeanne d’Arc. Je n’exagère pas de beaucoup. Voyons donc ses deux volets, la détention et le procès.

 A) Récemment, Paul Belaiche-Daninos à écrit deux livres sur Marie-Antoinette en prison, deux livres faisant chacun pas moins de 700 pages très largement romancés et dans un style il faut l’avouer poignant. Montrant sans cesse les Révolutionnaires comme des rustres sans sensibilité et pleins de cruauté. Objectivement que dire de la captivité d’Antoinette?

Une première remarque est qu’elle fut un peu longue, le fait qu’elle ait été en prison un an et deux mois montre au passage une justice assez lente, pas trop expéditive. Mais nous y reviendrons dans le second volet.

 

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On notera aussi qu’elle fut divisée en deux périodes totalement inégales; du 10 août 1792 au 2 août 1793 soit pendant presque un an, elle fut 3 jours aux feuillants puis le ensuite au Temple où sa prison était des appartements luxueux avec cuisiniers, domestiques, table de billard etc… Ensuite elle passa à la Conciergerie du 2 août au 16 octobre, soit 76 jours, dans une prison où elle ne fut jamais non plus dans une situation dramatique, nous le verrons.

Pour le Temple que dire la prison était toute entière pour la famille royale, c’était une sorte de manoirs avec du beau mobilier, des jardins où on pouvait se promener, à l’intérieur les prisonniers pouvaient mener la vie qui leur plaisait, et il y avait tout pour se distraire, bibliothèque, piano, billard etc….

De plus il y avait du personnel dont une dame de compagnie uniquement pour Antoinette et des cuisiniers qui préparaient les trois repas journaliers.

Voilà la captivité qui fut celle d’Antoinette durant un an, pas vraiment un calvaire pour tout dire.

 

   Ensuite il y a la Conciergerie, elle serait pour les royalistes, l’antre de l’enfer.

Avant de parler de sa cellule un peu de contextualisation; à l’époque la plupart des prisonniers étaient dans des cellules collectives, sans lit, sans paille, ou alors avec de la paille disponible sur payement, sans pot de chambre, sans fenêtre, parfois même les cellules collectives sont entièrement souterraines n’ayant jour et nuit pour seul lumières celle que la prison voulait bien allumer, quelques torches dans le couloir généralement. Il n’est nul besoin de préciser que le prisonnier n’a pas de serviteur.

Le prisonnier n’est nourri que de pain dur et d’eau, il vit dans une cellule infestée et malodorante. Madame Tallien au sortir de prison par exemple était couverte de vermine. 

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Quelle était la situation de Marie-Antoinette à présent à cette Conciergerie, certes il n’y avait plus les fastes du Temple, elle était en cellule à présent et plus dans un manoir. Mais sa cellule avait une fenêtre, table, chaise, pot de chambre, un lit avec deux matelas l’un en laine l’autre en crin. Elle avait ensuite conservée sa dame de compagnie qui la servait à tous les repas, l’habillait, vidait son pot de chambre, qui était recouvrable et neuf. Elle avait également un fauteuil.

Elle avait trois repas servi tous les jours et quels repas! Sous le nom de «Mémoires de fournitures concernant Marie-Antoinette» ont été notés les dispositions pénitentiaires pour Marie-Antoinette.

Elle avait du café au matin, du poulet, du canard, pâté, légumes frais et des desserts.

Mais ce n’est pas tout elle avait aussi pour reçu de la Conciergerie deux bonnets neufs des rubans et de la soie de garniture, des rubans pour les chaussures et les cheveux, une bouteille d’eau pour les dents et enfin même un service de blanchissage de ses vêtements.

La vie d’autrefois était de toute façon plus dure en l’absence de technologie, c’est évident, et bien sûr Marie-Antoinette était prisonnière elle ne pouvait pas sortir comme elle l’entendait de sa cellule mais ses conditions de détention à la Conciergerie au regard de ce qu’étaient les conditions de détention de l’époque étaient exceptionnelles.

Les dépenses par exemple pour le mobilier, sa servante et les repas ont coûté en 76 jours 1471 livres et 6 centimes, ça correspondait à l’époque à près de trois ans de travail d’un petit artisan parisien. Et on parle de la Conciergerie, au Temple l’entretien était bien plus cher.

Rappelons aussi que bien des Français ne mangeaient pas trois fois par jour, comme pouvait le faire Marie-Antoinette en prison, bien des Français ne pouvaient manger de poulet ou encore moins de canard ni prendre du café.

Rien que le fait de parler de martyre pour un prisonnier qui possède un serviteur est risible non?

Alors on cite souvent le fait qu’il lui ait été refusé une seconde couverture comme une torture atroce, mais c’est oublier qu’une couverture à cette époque n’est pas une petite chose et est même rarissime en prison, elle avait déjà une couverture et un traversin. La plupart des soldats Français ne pouvait en avoir du tout. De plus rappelons que la demande d’une couverture supplémentaire n’a pas était faite pendant un rude hiver mais au mois de septembre.

B) Le procès à présent; on en dit qu’il fut un procès entièrement à charge, monté de toute pièce avec un dossier vide, qu’il serait une hérésie juridique, une véritable farce.

Ce n’est pas là uniquement la théorie de quelques royalistes ou réactionnaires, c’est même la présentation qu’en fait officiellement le ministère de la justice française sur son site.

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Pourtant il ne ressemble pas au nombreux procès truqués ou bâclés de l’histoire.

Souvent pour appuyer la thèse d’un faux procès on reproche la condamnation pour trahison alors que la justice ne possédait pas toutes les pièces.

Mais la justice n’avait pas moins une pièce entière de pièces relatives au procès, prétendre qu’il n’y avait rien pour la condamner est un mensonge. Rappelons qu’il existe différents types de preuves; il y a la preuve formelle, celle qui était surnommée, la preuve des preuves, qui permet à elle seule d’établir ou de rejeter un fait.

Les preuves formelles en ce qui concerne la trahison de Marie-Antoinette étaient en effet absentes des pièces du tribunal, puisqu’elles étaient à Vienne pour l’essentiel. Mais il existe aussi des preuves qui sans être totalement formelles ne sont pas moins accablantes et ne laissent presque pas de doute et vont naturellement pousser le jury en vertu de la loi à conclure à une culpabilité. Enfin il y a des preuves «graves et concordantes» et enfin simplement sur des éléments un peu disparate (mais sérieux évidemment) un juge à le droit indéniable de juger en vertu de l’intime conviction.

Dans le procès d’Antoinette il y avait de très nombreuses pièces dont certaines écrites de sa main qui laissaient peu de doute sur sa culpabilité. Après tout puisque de nos jours nous savons qu’elle fut innocente quoi d’étonnant à ce que les pièces dont disposait la Révolution qui avait tout mis en œuvre pour disposer du plus d’éléments possible l’indique?

En plus de pièces accablantes, il y a eu la tenue du procès et à l’inverse d’un procès truqué qui est généralement bâclé, celui d’Antoinette fut long et on prit soin de l’interroger longuement sur chaque sujet. Évidemment son mode de défense joua comme dans tout procès. Son étrange amnésie pour des faits pourtant marquants ne pouvait inspirer la bonne foi au jury il va sans dire, par exemple elle a répondu ne plus se souvenir si l’appel à boire à la nation avait ou non été bafoué le 1 octobre 1789 et la cocarde tricolore piétinée.

Ou pire elle se contredira bien souvent, l’exemple le plus notable et sur le 17 juillet 1791 où questionnée sur les troupes amassées près du Champs de Mars avant le massacre elle va d’abord répondre ne jamais en avoir entendu parler, puis un peu déstabilisée elle répondra «oui, j’ai su dans le temps, qu’il y en avait; mais j’ignore absolument quel en était le motif» et il suffit au juge de lui rappelait qu’elle avait dit avoir la confiance de son mari et être sa conseillère et que donc elle devrait connaître le motif pour qu’elle réponde «c’était pour rétablir la tranquillité publique».

On ne peut ensuite pas faire abstraction des nombreux témoignages accablants contre l’Autrichienne, à cela les admirateurs de Marie-Antoinette vous diront que les témoins étaient tous payés etc... Pourtant l’essentiel d’entre eux sont les acteurs indiscutables des choses aux moments où elles sont reprochées à Marie-Antoinette.

Et à l’inverse de ce qu’il se dit souvent tous les témoins ne furent pas forcément à charge. Jean Sylvain Bailly par exemple va tenter de blanchir l’Autrichienne sur une accusation capitale... Interrogé sur le massacre du 17 juillet 1791 il va nier avoir reçu des ordres de Marie-Antoinette et affirmer les avoir reçus de la municipalité.

Beaucoup de procès étaient réglés en une heure, voire en dix minutes. Sur ce point aussi Marie-Antoinette fut plus avantagée et non moins que la citoyenne ordinaire.

Le jury à la fin du procès été questionné pour savoir s’il estimait qu’Antoinette avait comploté contre la France, avec les puissances étrangères et entretenu des correspondances avec l’ennemi.

C’est sur ces points précis que le jury a été questionné sur la base du procès et que Marie-Antoinette d’Autriche a été condamnée à mort.

Alors évidemment la peine de mort de nos jours peut toujours être vue comme cruelle et à raison je pense, mais la Révolution n’a pas changé la société au point de supprimer la peine de mort, même si ça a été proposé.

En tout état de cause de nombreuses personnes sont mortes par la guillotine sous la Révolution, et s’il faut pleurer Marie-Antoinette pour le fait qu’elle ait subi la peine de mort je pense qu’il est légitime qu’elle le soit après ceux qui ont commis des crimes moins graves et moins indignes qu’elle, c’est à dire à peu près tous le monde, et en premier lieu des Révolutionnaires que ceux qui pleurent Marie-Antoinette ne les pleurent jamais eux.

 

Conclusion:

Elle eut un emprisonnement d’un confort inespéré pour toutes personnes de cette époque, bien sûr durant un an, en appartement de luxe, mais aussi durant 72 jours dans une cellule. De plus elle eut un procès long et contradictoire qui offrait bien plus de droit que dans la plupart d’autres procès en cette période de guerre rappelons-le. Finalement la République a traité avec soin Marie-Antoinette.

  

5)

Enfin ont assimile souvent de nos jours la critique de Marie-Antoinette à une sorte d’obsession malsaine. Il faudrait, du fait de son «martyre», dont nous avons parlé, ou du temps qui est passé ou encore du fait qu’elle soit une femme, ne pas la critiquer. Le ton admis et recommandé est d’en faire une insouciante victime de la furie populaire.

Et après tout est-ce si important si cette vision n’est pas vraie?

Important? Non, fondamental!

Car en effet la Révolution Française est je pense LE point névralgique de l’histoire de France, sinon du monde. C’est un moment unique de confrontation entre le progressisme et les idées qui s’y rapportent et le monde ancien.

La vision qu’on a de la Révolution implique presque la vision qu’on a de la France mais plus encore de la société humaine, du rapport de classe, des peuples et des luttes.

Le mythe de la reine insouciante crée une disposition psychologique vis à vis de tous ses sujets. Car si elle était insouciante c’est qu’elle n’avait aucune malveillance, donc que le peuple était inutilement cruel. On considère aussi dans cette conception que le peuple était misogyne et raciste. Puisque les mesures contre Antoinette n’auraient pas été justifiées par ses agissements.

En général c’est un élément cohérent avec une vision plus large, les sans-culottes seraient des genres de brigands, les jacobins des idéologues sans pitié, Robespierre un dictateur, et Louis XVI et Marie-Antoinette cherchant à composer et trouver un compromis face à des extrémistes aveuglés par la haine.

Transposée à notre époque cette vision est un message très fort et subliminal qui impose un omerta aux consciences, on devrait se taire face à l’injustice, ne jamais chercher à changer fondamentalement les choses, mais ne demander que très timidement un peu d’amélioration au compte goutte, accepter un rapport de domination, se résigner à son sort.

Si vous pensez que je vais loin en faisant le lien entre la vision de Marie-Antoinette et un logiciel sociétal je remarquerais que l’extrême complaisance pour Antoinette ne vaut pas pour tout ce qui est Révolutionnaire, Marat poignardé dans son bain (mort pourtant abjecte et bien pire que la guillotine) serait une sorte de «buveur de sang», Robespierre condamné en quelques heures sans procès serait un hystérique de la peine de mort, Simone Evrard, compagne de Marat, qui a terminée sa vie traquée par la police de Napoléon est vue à notre époque comme une espèce de laide bonniche un peu niaise et acariâtre comme elle est montrée notamment en filmographie, or elle était belle et cultivée, on a des portraits d’elle, elle aidait son compagnon dans la rédaction de son journal et a fait un des plus beau discours de la Révolution suite à la mort de Marat.

Elle était objectivement plus belle que Marie-Antoinette, beaucoup plus intelligente et elle était généreuse, humble, cultivée et honnête tout l’inverse de Marie-Antoinette et elle n’a pas eue une fin heureuse, pourtant personne ne vous en parlera comme d’une victime.

Qui sont les Révolutionnaires qui sont relativement bien vus? Mirabeau qui a trahi la Révolution et discutait avec la cour pour faire stopper la Révolution, mais aussi Lafayette, Necker disons, en somme ceux qui voulaient des droits pour les bourgeois sous une monarchie modérée, ceux qui n’ont pas voulu de la République.

Bien évidemment les esprits ayant assimilé l’idée que les réactionnaires étaient des gens bien intentionnés et les Révolutionnaires des hystériques sanguinaires arrivent vite à la conclusion que l’expérience Républicaine fut une folie.

Toute société à un imaginaire qu’il faut respecter, l’imaginaire Français vibre avec la Révolution, le récit de la Révolution va de pair avec les idées qu’elle véhicule. Surtout qu’en général on enseigne aux jeunes enfants des histoires puis on réfléchit adultes aux principes qu’elles peuvent véhiculer.

Dans cette Histoire, ce roman national comme on disait, la Révolution tient la période principale et dans cette période il y a des héros, qui globalement furent réellement admirables, les Robespierre, Saint-Just, Couthon, Marat, Le Bas, par exemple.

Et il y aussi les infâmes, les traites, les méchants pour employer un langage trivial. Et n’en déplaise à certains, Marie-Antoinette était bien une «méchante». Non seulement parce qu’elle était contre la Révolution et les droits du peuple factuellement mais aussi parce qu’elle a comploté et agi vicieusement de tout son possible pour trahir la Révolution, comme nous avons vue, elle l’écrit elle même, cherchant à passer pour favorable pour la détruire de l’intérieur.

Mais aussi parce qu’elle était une mauvaise femme sur le plan personnel. Une personne qui est du mauvais côté dans une histoire mais se distingue par des qualités personnelles doit pouvoir apparaître dans sa complexité, c’est le cas par exemple chez Charles I d’Angleterre qui fut dur et intransigeant avec tous à commencer par lui-même et qui dans une norme réactionnaire suivit des principes obscurantistes dans tous les cas même contraignants pour lui.

Mais il faut aussi, et ce n’est pas acharnement mais justesse historique que de le souligner quand un personnage a un comportement hypocrite par rapport à sa propre cause.

Et ce fut totalement le cas pour Marie-Antoinette, qui était une rebelle sa vie de reine durant, méprisant les règles anciennes mais les revendique pour elle quand le peuple veut des droits. Cherchant à tromper le peuple sur son intention et prévoyant clairement des massacres et une reprise par les armes pendant qu’elle serait lâchement réfugiée à l’étranger.

En ce sens Marie-Antoinette est la représentation parfaite de la corruption morale du vieux système, elle l’incarne totalement dans sa personne, comme le fait que la reine domine le roi incarne l’idée d’un système où le droit n’est plus qu’une vitrine et que la réalité est ailleurs.

Et qu’on le veuille ou non elle appartient à l’histoire, certainement si la Révolution avait été mâtée aurait-ont parlé de cette bonne reine sous qui ont rétablit l’ordre? Pourquoi la Révolution n’a pas le droit de proclamer sa victoire dans toute sa gloire? Ou bien simplement qu’on puisse se pencher sur l’histoire et juger tout ce qui relève d’elle, y compris ses personnages, qu’on est tous en droit de juger, ce en bien ou en mal.

Pire encore, si je sors du champs totalement factuel pour faire des spéculations sur la base de faits, Marie-Antoinette était une femme très orgueilleuse, vaniteuse et hautaine, elle était très attachée à son statut, mais pas uniquement, comme souvent chez les gens comme ça elle était très facilement vexée et prenait à cœur tout comportement manquant de servilité envers elle.

Et bien loin de l’image de la femme glamour et charmante, dans les faits Marie-Antoinette avait de nombreuses rancunes féroces; contre la Dubarry comme chacun sait, contre les tantes de Louis, contre ses beaux-frères Louis et Charles, contre le Duc d’Orléans, contre Rohan, Condé, Lafayette, Necker, Roland et tant d’autres.

Elle appelait méchamment Condé le borgne et ne voulut jamais entendre parler de son armée par exemple même dans l’idée qu’elle gagne la Révolution du fait de sa haine profonde pour le personnage «je ne veux rien devoir à ce borgne» disait elle, elle fit enfermer la Dubarry un an etc….

Donc, partant de ce fait, quelle politique Antoinette aurait elle menée contre le peuple si la Révolution avait été vaincue?

N’aurait elle pas sans pitié fait massacrer les Révolutionnaires?

N’est-ce pas cohérent aussi avec ses lettres? Qu’on me cite raisonnablement un élément qui contredirait l’hypothèse d’une vengeance sanglante!

On cite souvent chez les panégyristes de cette reine l’épisode où une femme l’interpelle en lui disant «vous êtes une infâme» et Antoinette de répondre «Vous ais-je causé du mal, si on vous l’a dit on vous a menti».

Cet épisode est mis en exergue pour illustrer la soi-disant haine aveugle du peuple et la hauteur d’esprit de la reine.

Alors certainement cette femme qui était, semble-il, une femme simple et sans histoire n’avait aucun contentieux personnel avec Marie-Antoinette qu’elle n’avait certainement jamais vue de sa vie, mais évidemment la femme accusait l’Autrichienne d’être une infâme par rapport au peuple, par ses manigances en politique.

Donc elle lui reprochait le mal qu’elle faisait au peuple et elle en faisait nous le savons à présent, ne serait-ce que par la transmission des plans de guerre à l’ennemi.

La femme avait bien raison Marie-Antoinette était bien une infâme, mais elle fut décontenancée par l’impertinence de sa réponse.

 

Conclusion:

L’histoire est faite d’événements positifs et négatifs, et de même de gens bien et de gens mauvais. Le «Roman national» comme disait Renan, a ainsi ses «couleurs» et si on peut dire son «relief» et c’est de dévitaliser que de chercher à dénaturer les choses. Marie-Antoinette fut une infâme, elle tenta de manière tortueuse d’étouffer la Révolution et ne rougissait aucunement d’envisager le crime. Ceux qui invoquent un prétendu «martyre», une insouciance, un courage, ou une éducation sclérosée ne font pas preuve de la même «pudeur» pour les Révolutionnaires.

 La victimisation de Marie-Antoinette participe donc à une accusation de la Révolution et une dénaturation de l’histoire.

 

 Jean Blanchard

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Commentaires
R
Je me pose une question, peut on vraiment reprocher à Marie-Antoinette d'avoir "trahit" la France dans la mesure où elle était Autrichienne?<br /> <br /> <br /> <br /> Il me semble qu'elle a été fidèle à sa patrie. Si elle avait soutenue la France n'aurait elle pas été traitresse à sa patrie l'Autriche?
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